Début: 02/03/02 03:41 C ertains sondages ne sont jamais menés, par exemple, j’attends encore le Grand Sondage sur cette question:
Pourquoi ? On sonde “l’Opinion” à propos de tout et de n’importe quoi. Par exemple, l’hebdomadaire VSD a fait demander “aux Français”:
Alors, pourquoi pas un sondage sur le “trotskisme”, passé, présent ou futur, réel ou supposé, de Lionel Jospin ? Parce que les sondeurs savent que, face à l’anathème, on reçoit des réponses très insatisfaisantes. Y compris (surtout ?) avec les questions supposées consensuelles. Alors, sur une telle question, avec un “panel” pour lequel très probablement le “trotskisme”, ça ne signifie pas grand chose… La question suivante serait:
La troisième question serait:
Probablement, vous pensez que je caricature, les sondages ça n’est pas aussi ridicule, on pose aux gens des questions qui ont du sens. Considérez celui réalisé par l’institut CSA auprès du fameux “échantillon représentatif de (X) personnes” (1.000, ici) et publié par Aujourd’hui en France du vendredi 23 janvier 2002, et annoncé (“analysé”) ainsi en une:
Voici les questions à la base de cette “analyse”, précédées du titre que leur adjoint Aujourd’hui:
Chose notable, Aujourd’hui prend bien soin de ne pas mettre en valeur la quatrième question, complémentaire de la troisième, qui tend à modérer nettement la valeur des réponses aux trois autres:
Remarquablement, “l’analyste” de service, un certain Bruno Seznec, ne la commente pas, sinon pour noter que, “au total, un quart des personnes interrogées estiment (sic) que “la non candidature de Jacques Chirac et Lionel Jospin empêche le débat””. J’ai fait ailleurs la critique de ce (sic) “sondage”, pour constater d’abord que, comme l’on dit, “la réponse est dans la question” – au moins pour les trois qui sont mises en valeur[2] –, ensuite que la question sur les déclarations de candidatures aurait mérité d’en former au moins trois (une pour chaque candidat, une “QCM”, et même, une question ouverte, pour savoir pourquoi on souhaite/ne souhaite pas que…), que celle sur “la façon dont se déroule la campagne” est plus que les deux autres le genre où l’on connaît d’avance le résultat (pas content), celle sur le “troisième homme” est l’évidence même, puisque plus de 50% des sondés répondent qu’ils voteront pour un autre candidat que ces deux là, et que prévisiblement une partie au moins de ceux qui se prononcent pour eux ne souhaite pas la présence de “l’autre”, enfin, les “analyses”, les commentaires et l’accroche sont plus que douteux, comment dire ? Quelques peu orientés – autant que le “sondage”. ne connaîtrait-on la proverbiale honnêteté des gens de presse, on croirait presque qu’Aujourd’hui a quelque peu cherché à influencer “l’opinion” et surtout, “les décideurs”[3]. On le croirait… Tout ceci nous éloigne du titre de mon propos, l’anathème. Enfin, pas tout-à-fait, en ce sens que le (sic) sondage d’Aujourd’hui est, dira-t-on, un anathème (plus ou moins) déguisé, le quotidien, pour des raisons que j’ignore, a envie que les deux candidats putatifs (au moment du [sic] sondage) se déclarent[4], du moins, et assez sensiblement, ça le dépite de voir Jacques et Lionel tarder d’entrer en campagne, cela tellement qu’il en vient à commander une “enquête d’opinion” si orientée qu’elle ne peut qu’aboutir aux résultats obtenus à partir desquels se développe tout un discours en forme d’invectives aux candidats non déclarés: en sous-titre, “Près de deux Français sur trois en ont assez des coquetteries du président et du Premier ministre”; dans l’article de “commentaires”, écrit à deux mains (Dominique de Montvalon et Bernard Mazières), c’est un florilège: “Interrogés, les français éprouvent en effet un formidable ras-le-bol” (et quand on ne les interroge pas, probablement ils éprouvent une “formidable” indifférence à la question…); “Ils en ont assez que le président et son Premier ministre, jouant au chat et à la souris, renvoient à… plus tard leur entrée officielle en campagne”; “Près de deux Français sur trois (65%) réclament, du coup, que les deux “têtes” de l’exécutif entrent dans l’arène sans plus tarder, parlent vrai, en finissent avec les non-dits et s’affrontent” (sont-ce “les Français” ou nos auteurs qui “réclament” ?); “Chirac et Jospin ont commencé à comprendre le message”; et, cerise sur le gâteau, la dernière phrase, qui illustre mon diagnostic sur la “sportivité” des élections: “Les Français n’ont pas attendu sept ans pour n’avoir droit qu’à un simple sprint”. Pour conclure, un passage savoureux: “Cinquante-quatre pour cent des sondés se déclarent insatisfaits par la tournure que prend cette non-campagne, qui exaspère Hue comme Madelin, Bayrou comme Laguiller. Et qui fait les beaux jours de Chevènement […]. Et une majorité de sondés s’agace que les questions de look ou de marketing occupent tant de place, qu’on en soit déjà à supputer qui sera le prochain locataire de Matignon, que les jeux du microcosme prévalent à ce point”. Un sommet de tartuferie: qui se fixe sur les “questions de look et de marketing” ? Qui en est à “supputer qui sera le prochain locataire de Matignon” ? Qui fait ses choux gras des “jeux du microcosme” ? Mais oui, votre quotidien favori. Et dans ce jeu, Aujourd’hui/Le Parisien n’est pas le dernier, au hasard, titres “politiques” du quotidien: le 28 janvier, “Présidentielle:Le duel est lancé”, avec comme accroche “CAMPAGNE. Dans la course (sic) à l’Élysée, ce week-end marque un tournant[5]. Certes, ni Jospin ni Chirac ne sont officiellement candidats. Mais le premier, devant ses amis, a dégainé et affiché son envie de se battre. Quant au second, il a mobilisé ses fidèles à l’Élysée et proclamé que le “débat démocratique” devait maintenant s’engager”; le lendemain, sous le titre “Hommage…”, LA photo, celle qui contribue on ne peut mieux au “débat démocratique” requis par Chirac, où l’on voit Chirac écarter Jospin de “sœur Emmanuelle”; “commentaire”: “DÉCORATION. Une religieuse très populaire, fortement engagée dans la lutte contre la pauvreté, cela ne se rate pas. C’est en tout cas ce que semblent dire le candidat “disponible” (à gauche) et le plus candidat des non-candidats (à droite) à l’occasion de la remise, hier à l’Élysée, de la légion d’honneur à sœur Emmanuelle…”; le 4 février, “Chevènement: ‘Je les battrai tous les deux’”, et ce chapeau: “PRÉSIDENTIELLE. Candidat déclaré à la présidence de la République depuis plus de quatre mois, Jean-Pierre Chevènement s’installe au fil des semaines dans le rôle de “troisième homme” [ils y tiennent !]. Il continue de grimper dans les sondages, dépassant aujourd’hui 14% d’intentions de vote. Son discours républicain semble séduire les déçus de la gauche comme ceux de la droite. Et il espère tirer profit, au second tour, du combat Chirac-Jospin que des lieutenants, pressés d’en découdre, ont clairement engagé ce week-end”. Bref, analyse, 0, contribution au “débat démocratique”, 0, discussion des arguments de campagne, 0, par contre, quelques points pour le “look”, le “marketing” (médiatique, ici), les “jeux du microcosme” (médiatico-politique), les “coquetteries”. Merci, Aujourd’hui ! L’anathème, en France – et ailleurs j’imagine –, est un mode quasi normal de “débat démocratique”. Il faut dire que les “grands” candidats – terme signifiant: les candidats ayant droit aux grands titres des médias – ont un problème sérieux, il devient de plus en plus délicat de différencier leurs propositions. D’où, le “débat démocratique” est vite clos, puisque tous ont la même analyse et les mêmes solutions face au “grands” problèmes (pour ceux-ci, même choses que pour les candidats, leur “grandeur” est proportionnelle à la taille des titres de une et à l’étendue de leur traitement dans les médias audiovisuels; pour prendre l’exemple le plus évident de l’époque, “l’insécurité”, ou plus exactement son “sentiment”, est plus proportionnel à l’ampleur de son traitement médiatique qu’à son emprise réelle). Du fait, qu’est-ce qui demeure en matière de “débat démocratico-médiatique”, dès lors que les médias ne s’intéressent qu’à ces “grands” ? Pas grand chose. La question “Souhaitez-vous que Jacques Chirac et Lionel Jospin déclarent leur candidature et exposent leur projet le plus tôt possible ? D’ici à un mois ? Le plus tard possible ?” n’a pas grand sens, parce que leurs projets, nous les connaissons déjà. Pour Jospin, ce sont les “propositions” présentées par Martine Aubry et approuvées par le PS, pour Chirac, c’est “j’y suis j’y reste”. Aujourd’hui entendrait-il par hasard par “projet”, les promesses de campagnes ? [1] Remarquez que, dans ce cas, ils n’avaient pas
la possibilité, de répondre qu’à la fois ils vous informent, vous rassurent et sont
proches de vous, ou de ne rien répondre…
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